Le clapier

Métro

Je sais déjà ce qui me fera quitter Paris : le bruit.

Notre chère capitale est une ville de jeunes, de colocataires, de fêtards. Voire de jeunes colocataires fêtards, entassés les uns sur les autres dans des clapiers géants (à 10 000€ le m2). Paris grouille, Paris trépide, ça circule, ça se couche tard, ça vit, quoi. Et ça fait du bruit.

illustration voisins immeuble

C’était marrant quand j’avais 20 ans, j’en ai désormais 47. J’ai passé 18 ans à veiller ma fille insomniaque, alors maintenant j’ai juste envie de DORMIR. Je vis dans un arrondissement moitié fêtard moitié clochard. Le bon mix. Pour rigoler, j’ai consigné rien que pour vous toutes les nuisances sonores nocturnes endurées pendant une seule semaine, prise au hasard.

Lundi
Depuis le mois de septembre, un trouple de colocataires s’est installé dans l’appartement juste au-dessus du nôtre. Iels sont jeunes, iels aiment faire la fête, iels baisent, chantent, dansent sur Michel Sardou, tous les soirs en rentrant du boulot (23h) jusqu’à ce qu’ils se couchent (3h). Youpi c’est la fête. On leur a demandé 1 fois, 25 fois, 5689 fois de baisser d’un ton : balek.

Frappés d’amnésie totale à chaque fois qu’ils me retrouvent en train de tambouriner à leur porte, hirsute et furax, boules quiès encore dans les oreilles, ils ignorent mon existence pour mener la leur. Même la mention de mon enfant handicapé (qui, elle, dort comme une souche depuis 1 an mais ça, je ne leur dis pas) ne les émeut pas. Saloperie de genZ.

Je me rendors, mais pas pour longtemps, voici les encombrants qui viennent chercher les matelas plein de punaises, les cageots moisis et les meubles déglingués sortis hier soir sur le trottoir par mes voisins d’en face. Les monstres ne font pas dans la dentelle : il est 6h mais ils balancent leur barda dans la benne sans la moindre précaution (et je ne peux pas vraiment leur en vouloir).

Et puis revoilà l’heure des scooters et des motards, leurs pots d’échappement trafiqués, leurs propriétaires qui passent 20 minutes à tripoter leurs téléphones, moteurs trépidants, avant de faire rugir leurs gros cylindres qui pâmeront de désir toutes les filles du quartier (non).

illustration motard

Sois maudit rien que pour m’avoir obligée à te dessiner, motard.

Le soir, je rentre pile au moment des poubelles : les éboueurs passent 2 fois pour ne pas retarder la circulation automobile très dense à cette heure-là. Trottoir pair à 19h, trottoir impair à 20h. Les poubelles vides seront rentrées à minuit, descendues les unes après les autres via la pente en béton crantée qui mène au garage, juste sous notre appartement. Nous entendons déjà les voisins finir de dîner en riant très fort avant de commencer leur karaoké vintage.

Mardi
Ah, mardi, le jour des poubelles de verre. Le camion qui collecte nos bouteilles nous défonce les tympans, souvent suivi par Robocop, le gigantesque bras articulé qui vide les containers géants en bas de chez nous, installés en douce il y a un an sans aucune concertation.

Tiens, je croise dans le hall l’un de mes voisins du dessus. J’essaye de rester polie mais je ne peux m’empêcher de lui signaler que les lacs du Connemara à 2h40, ça fait chier. « Ah désolé, on n’entend pas le bruit qu’on fait » me dit-il avec un air innocent (ou demeuré).

Mercredi
Un réveil sonne depuis 2 heures quelque part dans un appartement déserté par son occupant découcheur. La laveuse de rue entame sa tournée matinale, évacuant les derniers émeutiers de la nuit (deux bandes armées de battes de base-ball dont le Parisien nous apprendra quelques heures plus tard qu’il s’agissait d’un règlement de comptes entre hordes rivales).

illustration camion poubelles

La nuit venue, je m’endors, crevée, à 22h. Je suis réveillée en sursaut à 2h45 par un boucan d’enfer : cette fois, les fêtards sont dans l’immeuble mitoyen, derrière le mur de ma chambre, hors de portée. Je tambourine, en pure perte évidemment, et je me fais mal à la main.

À 4h25, la fête s’arrête et pourtant … pourtant … j’entends toujours de la musique. Partie en exploration dans l’immeuble, je découvre que l’ancienne loge de la gardienne est désormais louée à un post ado qui a fait venir 120 potes dans ses 16 m2. Au moment précis où il me sort son premier « du coup » mes nerfs lâchent, je le frappe. Oui, la folle en nuisette de la rue Alexandre Dumas, c’est moi.

Jeudi
Réveillée à 4h par des roulement de valises au-dessus de ma tête je me rendors avec satisfaction : les voisins sont partis en week-end laver leur linge chez leurs parents. Avec un peu de bol, j’ai 3 ou 4 nuits de récup’ devant moi.

Vendredi
Il est 2h, ça sent la cigarette dans notre chambre et une fête bat son plein quelque part, pas loin, sans que je puisse pourtant la localiser. Personne au dessus, personne en dessous, personne dans l’immeuble mitoyen.

Un indice, la porte automatique du parking de l’immeuble – vieille, mal graissée et armée d’un contrepoids très très lourd –  s’ouvre et se ferme de façon ininterrompue. C’est une fête clandestine héritée du confinement, une sorte de club privé pour ados (fumer des clopes assis sur le capot des bagnoles du garage de la copro, on touche le fond).

La porte de communication avec l’immeuble est fermée à clé. Un instant tentée de mettre le feu, je finis par remonter me coucher. Ils sortent, par la porte automatique, à 6h45 en gueulant comme des putois. Je les invective de mon balcon. « Qui sont vos parents ? » je demande, hystérique, avant de m’apercevoir qu’ils ont mon âge. Ils sont morts de rire et se moquent de moi avant de partir dans la nuit en me faisant des bras d’honneur.

Samedi
J’ai gardé le meilleur pour la fin. Nous nous endormons comme des bébés le samedi soir (non, nous ne sortons pas). la Terre tremble sous des coups de boutoir monstrueux, je n’ai même pas besoin de regarder l’heure : il est 3h. Un homme donne de grands coups d’épaule dans la porte d’entrée de l’immeuble. Il est bourré comme un coing, il veut qu’on lui ouvre, il ne se souvient plus du code.

On n’a jamais vu ce type qui refuse de nous donner son nom et l’étage où il est censé habiter. Quand nous lui faisons part de nos doutes et de notre appréhension à le laisser entrer, le gars nous traite de fils de pute, bien fort, réveillant les voisins d’en face (salut ! bienvenue !). On ferme la fenêtre en le laissant à la porte.

Pas de bol, quelques dizaines de minutes plus tard, on l’entend entrer dans l’immeuble (comment ? je ne le saurai jamais). Sa première idée, une fois entré, est, bien sûr, de venir nous casser la gueule. Trop bourré pour trouver la bonne porte, il s’acharne sur celle de ma voisine enceinte de 8 mois et demi qui, traumatisée, a accouché dans la foulée, au petit matin.

Dimanche
Axel a ronflé jusqu’à ce qu’un énorme camion citerne vienne livrer du fioul à 5h40.
Le lundi suivant, j’étais en burn-out. J’ai planté mes clients, mes amis et je suis allée voir une psy pour entamer une thérapie. Peut-être que des secrets de famille ont plombé mes vies antérieures, peut-être que tout est de la faute de ma mère. Il fallait que je sache. J’ai raconté ma vie et la psy n’a eu besoin que d’une séance pour me trouver un remède miracle : déménager.

 

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16 réflexions sur “Le clapier

  1. je peux te dire que j’ai quitté Paris il y a 17 ans et que pour rien au monde je n’y remettrais les pieds (sauf à être pétée de thunes et à vivre dans un hôtel particulier avec jardin dans le 16e)
    Et là où nous sommes, nous avons acheté au dernier étage d’un immeuble pour ne plus jamais avoir de voisins de dessus. J’ai vécu l’enfer dans Paris, avec un voisin qui vivait seul mais marchait en sabots et travaillait de nuit dans son studio-atelier (c’était oune artiste), on a failli lui casser la gueule, en effet.
    Je compatis.

  2. Bon courage à vous tous, et si je peux me permettre le déménagement s’impose.
    Continue c’est super.

  3. Hello, J’ai quitté Paris il y a maintenant 21 ans….Pas pour le bruit mais pour vivre mieux avec ma fille handicapée. Depuis, j’ai déjà déménagé 3 fois et je redéménage cet été. Et là, enfin, une maison isolée sans voisins, les plus proches à 300m!! Car même à la campagne, les fêtards sont nombreux et aucun respect du voisinage. Même les visites de policiers et les mains courantes n’ont pas portés leur fruit. J’espère avoir trouvé le lieu idéal et que cette maison sera la dernière.
    Bravo pour votre blog. Bon courage.

    1. comment ça tu as déja démenagé trois fois ? et tu re déménages cet été ? n’oublies pas de me donner tes nouveaux coordonnés !

  4. Et dire qu’il m’arrive de me plaindre.. .. alors que je suis réveillé qu’en été par les fêtards, les bagarres, et les différends de couples … je ne dirai plus rien !

  5. ho ma pauvre Zoé, comme je te comprends, je suis aussi la folle en nuisette (mais quelques fois par an et généralement en vacances!!!). Nous mesurons notre chance DU COUP ha ha!
    Ton blog est excellent, comme toujours. Courage!

  6. Bon Zoé je dois dire qu’ici je n’ai pas trop de problèmes , une ou deux fois par an les enfants des maisons de vacances font du bruit et si ça dure trop je vais leur dire ce que j’en pense le lendemain mais en général c’est plutot rossignol et hibou sauf .. la journée au printemps : tondeuse tronçonneuse et le pire, le souffleur de feuilles (saleté) à mon avis juste bon pour les flemmard mais ces messieurs adorent ! Enfin bon comme ce sont tous de gentils voisins on s’explique : ne pas sortir l’artillerie juste au moment ou l’on va déjeuner sur la terrasse par exemple..

  7. La bible : « Le huitième jour de la création du monde, Yahvé se dit : décidemment, ils sont trop cons, il faut déjà que je les punisse.
    Alors, il inventa la copropriété. Le neuvième jour, constatant peu de progrès chez les hommes (et chez les femmes aussi sans doute), il se dit qu’il fallait aggraver le châtiment. Alors, il inventa les syndics. Observation in vivo : une assemblée générale de copropriétaires a le Q.I. du plus abruti de ses participants, mais aussi la méchanceté, et ce n’est pas nécessairement le même…

  8. A la campagne…il y a le coq des voisins qui se lève avec le soleil …..
    Bravo Zoé ! Merci pour m’avoir fait rire !

  9. En te lisant, je visualise tellement bien les scènes que je comprends ton calvaire, ô combien, et je compatis très sincèrement à tes malheurs …
    Tes récits sont toujours aussi vivants et désopilants que je ne m’en lasse pas. Continue à nous faire rire te encore bravo !
    Des bisettes de Philippe

  10. Tellement vrai…Mais Paris reste la plus belle ville du monde (et pas seulement l’une des plus belles !).
    Mais, sûr, c’est insupportable. Courage, on les aura !!!

  11. Quel calvaire, mes pauvres! Heureusement que Rose confine à donf dans les bras de Morphée …
    Nous avons emménagé avec mon grand bébé il y a 2 ans ds une petite copro flambant neuve (trop bon ça) avec une isolation hightech dans le 78 à 15 bornes de Paname au bord d’un canal où faune et flore font bon ménage et où tout le monde se respecte jusqu’à présent il reste quelques appartements ma chère Zoé je crois que Rose apprécierait cet environnement…. A méditer. Merci pour ton récit à mourir de rire même si ça l’est beaucoup moins à vivre! A ta dispo pour plus d’infos… Mille bravos

  12. Un conseil : les Prés Laugers (Tronçais) rapido presto. D’accord , les piafs font un bruit d’enfer dès 5 heures du matin, les chevreuils râlent parce que tu les déranges, les cerfs en septembre peuvent t’inciter à vouloir mettre des boules quiès et les sangliers font quelques dégâts dans ton jardin…tu peux aussi certaines nuits avoir une envie folle de flinguer le rossignol qui monte la gamme sous tes fenêtres….mais cela me parait le rêve par rapport à ce que tu décris.

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