Dressing

Métro

J’ai des souvenirs Facebook à revoir. Je regarde des photos de vacances d’il y a 7 ans, c’est sympa et oh, je suis habillée exactement comme aujourd’hui. Marrant. Pourtant, ce pull rose est encore neuf dans mon esprit et ce pantalon bleu, il est nickel, je l’ai acheté quand je suis arrivée à Paris en 1993. Ma Toufaite, à qui je demande si elle me trouve bien habillée, commence sa réponse par « sans vouloir te vexer… » Je l’arrête et je pars faire du shopping. Seule. Digne. Décidée.

Il y a une publicité, au cinéma, en ce moment, qui exhorte les djeunes à mieux choisir leurs vêtements pour en acheter moins et les porter plus longtemps. Ça va être compliqué, en ce qui me concerne. Je dépense 100€ tous les trois ans et je porte mes vêtements 20 ans. J’ai néanmoins pris conscience que je devais renouveler ma garde-robe car, depuis une semaine, les passants me donnent des pièces.

Le parcours du combattant commence. J’entre dans une boutique à l’éclairage agressif et à la musique assourdissante (comme si on était là pour s’amuser), j’attrape des choses qui ont l’air bien (sur le portant) et je me dirige vers la cabine d’essayage. J’ai trop chaud, je déteste me déshabiller, me rhabiller et me voir dans une glace. Sur les 28 articles sélectionnés (que le cerbère des cabines a réduit à 7), seuls deux vêtements me conviennent (et je ne suis pas difficile). Le pantalon noir n’est pas trop mal mais il me faudra un shorty dessous car on voit la marque de ma culotte. Le top blanc est bien mais transparent, un affreux soutien-gorge de couleur chair s’impose. J’ai choisi à l’instinct les deux seuls articles non soldés de tout le magasin. Sur l’étiquette (qui gratte) je découvre la mention que je redoutais : « lavage à la main » (il sera porté une fois et abandonné trois semaines au fond du panier à linge sale).

illustration cabine d'essayage

Épreuve maillot de bain. Je gobe un lexomil et retourne dans l’antichambre de la géhenne pour mater mon corps blanc-vert et presque nu, revêtu d’un truc atroce en lycra qui me saucissonne l’abdomen et me boudine le thorax (je ne savais même pas que c’était possible), laissant apparaitre mes dessous chics de part et d’autre de l’échancrure dudit maillot que je m’empresse de remettre dans sa pochette. Le suivant m’écrase les seins et m’élargit la taille. Celui d’après me fait ressembler aux vieilles putes-acrobates des tableaux de Toulouse-Lautrec. « Ça va se détendre » me dit la vendeuse qui passe une tête. C’est toi qui va te détendre, je lui réponds en refermant le rideau.

Buvons la coupe jusqu’à la lie, journée foutue pour foutue, j’enchaîne avec avec les godasses. J’ai percé mes chaussures fétiches, elles prennent l’eau. Oh j’en ai d’autres, n’allez pas croire. J’ai des babies beaucoup trop hautes pour marcher, des derbies trop vieilles pour être présentables, des salomés qui me font mal aux pieds, j’ai des santiags trop petites, des baskets avachies, des espadrilles trouées, des escarpins démodés, des ballerines tachées.

illustration chaussures

J’essaye deux ou trois paires. J’en choisis une, des bottines en serpent métallisé. « Ça va se patiner » me dit la vendeuse à qui je n’ai pourtant rien demandé. J’hésite entre deux pointures, elle me propose une petite semelle et me précise qu’il faudra aussi les imperméabiliser et faire mettre un topy par mon cordonnier. Je lui demande si elle a des chaussures normales, pour marcher tout de suite.

Je rentre chez moi chaussée de mes nouvelles bottines lamées pas imperméables et non patinées qui coûtent une couille et je range mes nouveaux vêtements dans mon placard. Ils n’en sortiront que quand j’aurais moins peur de les abîmer, je vais mettre mes habits habituels en attendant.

Le lendemain, un coup de pouce inattendu du destin complète mon nouveau vestiaire : ma fashion-addict de voisine abandonne dans le hall de l’immeuble un gros sac de vêtements qu’elle destine à la croix-Rouge. Vraiment, la vie est mal faite : si elle l’avait descendu un jour plus tôt, je me serais épargné cette journée en enfer.

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9 réflexions sur “Dressing

  1. Je ne suis ni une femme ni une fashion victime, malgré mon boulot qui consiste, en partie, à développer des motifs pour fringues « à la mode ». Je passe maximum 1h tous les 3 ans en moyenne pour « renouveler » mon stock de pantalons/chemises/pull/T-shirt/Chaussures puisque moi aussi, je porte facilement les même fringues durant 20 ans (voire même 30), et franchement, je me retrouve totalement dans ton texte, toujours aussi excellent. Bravo une nouvelle fois pour ce petit moment à te lire. Toujours le même régal. Bise!

  2. Oh lala , l’épreuve du maillot ….maintenant j’en commande 12 chez Zalando, j’en essaie 2 ou 3 (les autres sont trop moches ) et j’en garde un …que je ne mettrai pas, je suis plus habituée à celui de l’année dernière…..

  3. Solidaire avec toi et Niko pour le développement durable , haro sur les vieilles fringues toujours mettables, quand je lis ton périple en boutiques qui m’a bien fait rire malgré l’épreuve endurée

  4. Trop drôle! J’adore l’essayage du maillot : c’est tellement ça !
    Et la comparaison, savante et très juste, aux “modèles” emblématiques de Toulouse-Lautrec
    Bravo!

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