Notre gestionnaire s’est pendu l’année dernière.
Non, je déconne, il n’est pas mort, mais il a rendu son tablier et exigé auprès de sa hiérarchie que cette copro de merde (nous) soit refilée au petit nouveau qui vient d’arriver. Aaaah, chouette, du sang neuf ! On va le bouffer tout cru. On arrive, on s’installe, président ? personne, scrutateur, secrétaire ? personne comme d’hab, bla bla approbation des comptes bla bla bla. Le président du conseil syndical lui coupe la chique au milieu d’une phrase et lui demande d’accélerer parce qu’on a des sujets importants à traiter et que ça serait bien qu’on n’y passe pas la soirée. Le gars le regarde d’un air un peu surpris et reprend sa lecture, avec une drôle de lueur dans le regard. A ce moment-là, Marianne Petsek fait son entrée, en retard, comme d’habitude. Le gestionnaire se redresse et lui signale que ça serait bien d’arriver à l’heure parce que si tout le monde faisait comme elle on n’y arriverait pas. HAAN, incroyable, elle n’a rien à répliquer et va s’asseoir, penaude, au premier rang où il reste une place. Allez, on y va, tour de table des petits camarades.
La Taupe
On ne l’a jamais vu, on ne sait pas qui c’est. On ne sait pas ce qu’il veut et ce qu’il fait là. Je chuchote à mon voisin « c’est qui, lui ? » mon voisin me répond « ça doit être Michel Dugland, le nouveau du bâtiment A » mais le voisin de mon voisin nous chuchote « non, c’est moi, Michel Dugland ». « Ah, enchanté, bienvenue » on lui dit. Alors on fait passer un petit papier à la chef d’immeuble, mais elle ne sait pas non plus qui c’est. La taupe ne dit rien pendant toute l’AG, il a l’air de s’intéresser à ce qu’on raconte mais moi je pense qu’il s’est trompé de salle, qu’il habite dans un autre immeuble dont l’AG de copro a lieu aujourd’hui aussi, qu’il n’ose plus le dire. Il reste jusqu’à la fin pour fignoler sa couverture.
Josiane Marotte
Elle veut faire élaguer l’arbre qui lui « vole son ciel ». Elle vit au premier étage, j’ai bien envie de lui dire qu’à Paris, un premier étage est rarement accompagné d’une vue dégagée sur l’horizon mais bon. Elle en parle à chaque question de l’ordre du jour. On est obligés d’intervenir collectivement pour lui demander de se rasseoir et de se taire en attendant qu’on arrive à la question 24, « élagage du bouleau de la cour entre le bâtiment A et le bâtiment B à la demande de madame Marotte ». Le devis proposé est à 1200€ soit 32€ par lot sans même tenir compte des tantièmes. « Ah c’est beaucoup trop cher » ! s’écrie-t-elle. « Ces gens s’en mettent plein les poches ma parole ». « Mais c’est du boulot d’élaguer le bouleau, madame Marotte », on lui dit. On vote l’élagage à 36 voix contre une, celle de madame Marotte.
monsieur Mouise
Monsieur Mouise est le représentant poli et souriant de l’association qui possède deux logements sociaux dans la copro. Dans l’un de ces appartements, l’association héberge un clodo-gogo grabataire, Gérard, dont la chambre sert de planque à tous les dealers du quartier ; « ça me fait de la compagnie », rigole Gérard, qui oublie souvent une casserole sur le feu ou un mégot sur la moquette. Dans l’autre appartement, un toxico bat sa femme alcoolique et menace régulièrement de tuer tous les voisins qui tentent d’intervenir. Monsieur Mouise est courageusement venu se faire défoncer par toute l’AG, dont les membres, unis pour la première fois et solidaires des forces de police qui viennent tous les deux jours, lui intiment l’ordre de reloger ces gens-là ailleurs sous 3 mois.
Gonzalo Tortilla
Gonzalo Tortilla vient d’acheter un petit appartement pour sa fille tout juste majeure. Il a attendu que monsieur Mouise ait fini de s’expliquer, il a attendu que la résolution d’obliger l’association à reloger ses locataires soit votée, et il s’est levé. Il s’est tourné vers monsieur Mouise, a pointé un index accusateur et lui a dit calmement que si un seul de ces types touchait à un seul cheveu de sa fille, lui, Gonzalo Tortilla, le retrouverait et le punirait personnellement, lui, monsieur Mouise, où qu’il soit sur la planète. Il s’est ensuite rassis en murmurant « bobos de merde »…
Geoffroy Beaumonde
Geoffroy aimerait bien racheter les combles situés au-dessus de son appartement. Il aurait pu le faire discrètement comme l’a fait un autre copropriétaire (architecte) mais il a aussi besoin d’un permis modificatif pour la toiture donc malheureusement il ne peut pas. Il a préparé un beau dossier, appelé tout le monde pour plaider sa cause, augmenté son offre initiale de rachat, envoyé des chocolats, caressé des chiens, planté des fleurs pour égayer la plate-bande de l’entrée et mis un cierge à Sainte-Rita. Il a présenté son projet, on a ricané, sûrs que ça ne passerait jamais. Tout le monde a voté oui, c’est passé, on a rien vu venir.
Isabelle Adjaniak
La passionaria du local poubelles. Elle flippe qu’on démolisse cafard-palace, l’actuel local dégueulasse, pour en reconstruire un autre, plus grand, juste devant ses fenêtres. Donc, elle vote contre tout ce qui pourrait financer le projet (rachat des combles de Geoffroy Beaumonde, vente de l’ancienne loge de la gardienne). Et vote pour tout ce qui pourrait coûter cher à la copro (procès contre la résidence mitoyenne, changement des colonnes d’eaux usées, ravalement même pas à l’ordre du jour).
A la fin de l’AG, elle lève la main pour dire qu’elle s’est trompée, qu’elle a voté oui au rachat des combles de Beaumonde alors qu’en fait elle voulait voter non. Le gestionnaire lui répond que tant pis trop tard, elle n’avait qu’à faire attention et qu’il a d’autres projets pour sa soirée que de recompter indéfiniment les tantièmes des gens qui ne suivent pas.
Nous sommes tous sortis en rang et en silence, deux par deux.
Mon Dieu, mon Dieu : quel mérite ! Mon préféré, c’est Gonzalo Tortilla, je pense que c’est lui qui a raison, il ne s’encombre pas …. J’adooooore, c’est un peu comme Netflix, on attends le prochain épisode avec impatience …
ouh là là, pas avant l’année prochaine, cher Evrard .. je m’en remets à peine.
Au scalpel, j’adooooore!
j’adore j’adore j’adore
Didier, mon groupie :-))
A part le fait que je me prénomme Geoffroy comme un des personnages dans lequel je ne me reconnait pas, c’est top, comme toujours. D’autant plus amusant que je suis maintenant au conseil syndical de notre immeuble …
oh mais oui ! je n’y ai même pas pensé mais Geoffroy Beaumonde c’est un peu beaucoup…toi !! :-))
Formidable !! on s’y croirait , un cocktail explosif immensément drôle!
Merci encore ZOE
Domi. DUBRAC
Je ne remercierais jamais assez ma collègue (nous travaillons pour un Syndic) de nous avoir fait découvrir votre page…
Et dire que je persévère en étant President du Conseil Syndical de ma résidence…on est des grands malades…
oui.
Bravo ZOE c’est criant de vérité mais …tout de même parfois un peu fort …
Heureusement qu’avec le syndic, je suis responsable conseil syndical (je n’aime pas le mot présidente) avec
de l’humour et de la gentillesse nous remettons un peu d’ordre dans toutes ces manifestations, afin qu’en
partant tout le monde soit calme et heureux d’avoir participer à l’ A.G.