Dans ma rue

Gogo

Dans ma rue il y a plein de gogos.

Il font partie de notre quotidien, on les voit tous les jours.

Il y a le gogo black en chaise roulante qui monte et redescend la rue toute la journée (nord-sud trottoir de gauche, sud-nord trottoir de droite). Quand on passe à sa hauteur, il nous choppe. On ne comprend rien à ce qu’il dit, juste « euro » et « siouplait ». Le savant mélange de bonne conscience antiraciste (il est noir, tu es blanc), charité chrétienne (il est handicapé, pas toi) et trouille (il est accroché à ta veste) lui rapporte pas mal de thunes. Le cafetier lui change des pièces en billets.

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Il y a un autre gogo roulant qui ne circule qu’en marche arrière exclusivement (il s’en fout du trottoir sur lequel il est, lui son truc c’est la vitesse). Il ne nous demande rien mais t’as pas intérêt à être sur son passage, il trace.

Aux Frangines, le café d’en bas, il y a souvent une bande de filles qui prend l’apéro, et l’une d’entre elles est tétraplégique. Elle boit des mojitos et fume des clopes alors qu’elle ne peut vraiment rien bouger, et pas les mains en tous cas. Elle se débrouille super bien, c’est chouette à voir.

Il y a le gogo-clochard qui fait le trajet inverse du gogo black, en grattant une guitare à toute pétée. Lui, il pue le pipi grave à 10 mètres.

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Et bien sûr il y a tous les clochards pas gogos qui ont des places attitrées (le Franprix, spot très recherché) la boulangerie (bien relou, en plein dans le passage) les marches du métro de la station Pernety (emplacement avec bébé, ça me rend dingue j’ai envie de cogner la fille et de chourer le bébé mais je ne peux pas)

Et il y a Gérard. Mon voisin. Pas vraiment gogo, pas vraiment clodo mais quand même équipé d’un engin motorisé, croisement entre un scooter, une trottinette et un fauteuil roulant. Il s’en sert pour aller des Tontons (le bar du coin de la rue) jusqu’au Métro (le bar au coin de la rue d’après).

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Je crois que la rue Raymond Losserand est spécialisée dans les gogos en fait. Il y a un foyer d’hébergement pour adultes dans le haut de la rue, il y a l’école de Rose au 41 et il parait que la mairie de paris veut construire un centre d’accueil pour autistes juste devant chez moi, au 49. Les travaux devaient commencer au deuxième semestre 2015, mais il ne s’est rien passé.

Enfin si, l’ancien hôtel qui occupe cet emplacement a été réquisitionné pour les migrants.

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3 réflexions sur “Dans ma rue

  1. Les protagonistes de ton récit ont eu aussi leur blog sur lequel ils TE décrivent…
    Finalement, c’est la rue, c’est la vie, et on est tous gogo à notre manière, non ?
    VV

  2. ….. presque la Cour des Miracles, quoi ! Le Bossu de Notre Dame n’est pas loin, il va tomber amoureux de toi, bientôt, si tu le rencontres au croisement de la rue Losserand et de la rue Duchmol !
    Euh…. je préfère ma rue où je ne rencontre pas de tels humains, mais je ne les ignore pas pourtant ; je sais qu’ils existent, depuis des millénaires, ces mendiants, ces paumés des sociétés, ces mal-nantis, ces estropiés, ils courent les rues, les boulevards de tous les pays, en quête d’une piécette. C’est leur vie. Nous, ils nous rendent malheureux et nous culpabilisent mais en fait, c’est inutile. Chaque être humain s’adapte à sa condition. Et les faire changer de statut est pratiquement impossible.
    Sauf ceux qui font preuve d’une détermination sans borne ou ceux et celles qui sont sous la contrainte.

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