Le week-end de potes

Boulot

Mon métier d’illustratrice n’est qu’un hobby. Mon rôle d’aidante et de mère auprès de ma fille handicapée n’est qu’une couverture. Mon vrai travail, celui qui m’occupe toute la journée, c’est gestionnaire de vacances. J’organise les sorties culturelles en amoureux, les grandes retrouvailles familiales et surtout, les week-ends de potes. C’est ma passion, mon expertise, ma vocation.

LA DATE

Tout commence par un doodle, calendrier partagé en ligne qui sert à proposer des dates à vos amis afin de choisir un week-end où tout le monde est dispo. L’interface est tellement merdique et chargée de pubs qu’il faut une demi-journée ou un écran de 58 pouces pour arriver à le visualiser en entier. Là, nous sommes une bande ultra-motivée de 5 couples désireux de passer un week-end tous ensemble au printemps. Je crée le doodle et je soumets 18 dates possibles au vote, entre mars et juillet.

Etape 1 : Envoyer le doodle, attendre 1 semaine et le renvoyer une deuxième fois car personne ne l’a ouvert. On est en novembre, aucun d’entre nous n’est d’humeur à planifier un truc après Noël – qui accapare pour le moment toute notre énergie disponible. Pourtant, il faut s’y coller dès maintenant.

Etape 2 : Identifier le chef d’agenda de chaque couple et le relancer (la relancer souvent, plutôt) jusqu’à ce que tout le monde ait rempli le fucking doodle.

Etape 3 : Constater qu’il n’y a aucune date commune possible.

Etape 4 : Tenter de redéfinir les priorités du couple non partant sur le week-end qui réunit le plus de votes. Mon barème de gestion des prétextes c’est : un baptême < un mariage < une communion < un anniversaire < un enterrement. Personne ne peut prévoir les enterrements 6 mois à l’avance, ok. En revanche, les baptêmes ça saoule (doit-on vraiment assister à un baptême quand on est parrain ?), les mariages c’est nul (arrêtez d’être témoin, gratuitement, en plus) et les anniversaires, franchement, on s’en fout (c’est tous les ans). Si mes arguments imparables ne font pas mouche, je rajoute au doodle – en dernier recours et de guerre lasse – une date qui ne m’arrange pas, moi, mais où tous les autres sont dispo.

LE LIEU

Youpi nous avons la date. Avec le choix du lieu, on entre maintenant dans le vif du sujet. Nous avons : un couple fauché qui ne peut pas partir loin, un couple flambeur qui veut faire la fête au bout du monde, un couple qui vit à Toulouse, un couple ok pour tout mais qui ne tranche jamais sur rien et un couple qui ne franchit pas le périph’ sans frémir.

Hôtel ou Airbnb ? France ou étranger ? Soleil ou montagne ? Plage ou ville ? Train ou avion ? Je fais des propositions sur le groupe WhatsApp « WE de potes 2020 ». Tout le monde trouve tout génial, personne ne choisit quoi que ce soit. Je relance avec une destination précise : « Trop loin », « trop chaud », « trop cher », « trop dangereux », « déjà vu ». Je laisse reposer. Je relance avec une autre proposition. « Comme tu veux », « tout nous va », « ça nous est égal ». Je laisse reposer encore un peu et j’applique ma ruse ultime : soudain PAF, je tranche ! ça sera un hôtel en Espagne.

Maintenant que j’ai pris une décision irrévocable, tout le monde réagit et le groupe valide à l’unanimité un Airbnb sur la Côte d’Azur. Voilà une affaire rondement menée. Je fais une sélection de logements sur Airbnb et je soumets trois propositions différentes à mes amis en les prévenant (séparément) que ceux qui voteront pour la moins chère (et donc la moins bien) dormiront dans le canapé-lit du salon. Je gère ensuite les demandes particulières (« lumineux », « vue mer », « emplacement sympa », « près des endroits où ça bouge mais calme », « pas loin de la gare », « sans poil d’animaux » et « une salle de bain par couple »).

Petit aparté : il existe des solutions plus simples, j’ai un concurrent (et néanmoins ami) qui a trouvé la parade à tout ce bouzin.

LE TRANSPORT

Avec la bénédiction de tous, je prends ensuite les billets de train pour les 8 parisiens (ceux qui viennent de Toulouse se démerdent, faut pas pousser) afin que nous soyons ensemble dans le TGV. Choix des horaires, tarifs, cartes de réduction, codes avantages, correspondance éventuelle, je gère (je suis bac + 25 en SNCF). Je paye, j’envoie à chacun son petit décompte du montant à me rembourser et son billet électronique par mail, avec les instructions (gare de départ, heure et lieu de rendez-vous). C’est souvent inutile car statistiquement, au moins un pote loupera son train et trois autres m’appelleront le jour même pour me demander de quelle gare on part et à quelle heure. Un quatrième voudra modifier son billet retour pour repartir plus tôt et un cinquième me remboursera l’année d’après.

LES COURSES

On y est ! Le jour J est arrivé ! On perd toujours un couple dans la bataille (enfant malade, réunion importante, flemme de venir) mais tous les autres protagonistes sont là. On s’installe (répartition des chambres à base de « oh moi, vous savez, je m’en fiche, des chambres, elles sont toutes très bien » tout en posant nonchalamment un sac sur le seul lit king size de l’appart) et on va faire les courses.

L’objectif est de faire des menus sympa, qui plaisent à tout le monde, et d’acheter la nourriture nécessaire à leur exécution pendant que les hommes discutent au rayon vins. Sans oublier le PQ, les sacs poubelles, le liquide vaisselle, le café, les serviettes en papier, le sel, le poivre, l’huile, le vinaigre, les pastilles de lave-vaisselle. Mais Homme du couple 1 n’aime pas le fromage. Et Femme du couple 2 ne digère pas les poivrons. Membres du couple 3 se nourrissent comme des bébés (knackis-purée) et ouvrent des yeux affolés au rayons abats où Homme du couple 4 – excellent cuisinier – reluque les tripes pendant que mon chéri chante Waterloo à tue-tête (Abats … ABBA, vous l’avez ?).

illustration caissiere

Le monsieur-madame du Super U

LES ACTIVITES

Plusieurs options sont envisageables : un week-end d’hiver peut très bien supporter une glande totale devant la cheminée pendant trois jours. Un week-end d’été nécessite un minimum d’excursions culture/nature ou les deux. Mais nous sommes français avant tout : notre activité principale reste la bouffe. En plus de la virée au supermarché sus-mentionnée du vendredi soir, nous allons au marché le samedi matin (de 10h à 11h), puis nous préparons le déjeuner (de 11h à 14h) nous déjeunons (de 14h à 16h) et nous prenons l’apéro à 18h avant de commencer à préparer le dîner (de 20h à 22h) puis nous dînons (de 22h à minuit). C’est fou comme les journées passent vite. Rebelote le lendemain, après un solide petit-déjeuner qui remplace le marché. Et c’est chouette. On discute, on picole le bon vin choisi par nos hommes, on déguste de bons petits plats mijotés par ceux et celles qui savent cuisiner, on rigole. Moi, je ne fais rien, j’ai déjà assez bossé comme ça.

illustration medicaments

Les indispensables du week-end

LA FIN

Ces week-ends entre amis se terminent toujours trop tôt et tout le monde se sépare tristement le dimanche soir sur le quai de la gare en se jurant de refaire ça très vite. Le pire, c’est quand on a pris la voiture au lieu du train : nous, les parisiens, on sait qu’on va passer deux heures dans les embouteillages de l’antichambre de l’enfer (Wissous, là où l’A10 se jette dans l’A6). Alors, dès la dernière bouchée du déjeuner du dimanche avalée, on déclame le fatidique « Allez, on va y aller, on ne veut pas rentrer trop tard à la maison ». Et ça, c’est le vrai cafard.

Vivement le prochain week-end de potes.

 

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19 réflexions sur “Le week-end de potes

  1. Zoé,
    j’organise 3/4 fois par des we moto entre potes (sans femmes). Ce n’est pas beaucoup plus simple, mais la bouffe et le pinard comptent aussi beaucoup …
    Il ne faudrait pas modifier grand chose à ta story pour l’adapter à mon organisation.
    Bises
    Geoffroy

    1. J’ai organisé des réveillons voyages entre vieux potes……c’était parfait, tout le monde était content mais au final la conclusion a été la tienne : « ras le bol de la cheftaine Sylvie ». Eh bien les gars, les filles, démerdez vous tout seuls, sans « cheftaine » ! = plus de réveillons voyages…….chacun regarde sa télé…..☹️

  2. Tellement vrai !!!! J’adore ! Je vis ça tout le temps ! Ça m’énerve mais je continue 😉
    Bravo pour toutes ces chroniques de la vie quotidienne ! C’est toujours un régal de vous lire !

  3. Une fois par an, nous partons en vacances avec deux familles d’amis ! En tout, dix enfants entre 2 et 14 ans et six adultes ! Comme dans votre article pour la préparation et l’organisation… sauf qu’on se pose beaucoup plus de questions sur les activités pour enfants et qu’on n’envisage pas réellement d’aller au restau à seize !

  4. Merci Zoé, continue de voyager avec tes potes, et à nous faire rire ! Nous partons aussi chaque année une semaine (en Mobil’home) à une quinzaine. Ca se passe bien et …je n’organise rien !

  5. mais oui les comptes sur tricount, avec celui qui te donne ses dépenses 3 semaines plus tard, celui qui picole une bouteille par soir de grand cru qui fait raquer la femme enceinte qui n’a bu que de l’eau…

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