Lost in Amiens

Métro

Amiens est une ville charmante qui cumule beaucoup d’avantages (à mes yeux) : un magnifique musée dédié à un peintre un peu oublié que j’aime beaucoup (Albert Maignan), une magnifique cathédrale, des hortillonnages bucoliques, un quartier bâti par Auguste Perret, une invasion récente de Space invaders. C’est surtout à 1h30 de Paris en train ! Toutes ces raisons nous ont poussés, Axel, Pauline-la-Toufaite et moi, à programmer un « city break » d’une journée, samedi dernier.

Départ Gare du Nord à 9h du matin, programme chargé et millimétré (le retour pour Paris se fera par le train de 16h23). Il y a beaucoup de vent, on annonce une vigilance orange et même une petite tempête qui s’appelle Amy mais rien de problématique, Amy chasse les nuages après les averses et notre parcours s’effectue sous un beau soleil d’automne. J’ai tout de même un petit regret de ne pas passer plus de temps dans cette ville que je trouve très intéressante mais tant pis, nous nous en tenons au programme prévu.

La journée file et, fidèles à notre réputation légendaire de ponctualité, nous arrivons à la gare (contents et fatigués) avec un bon quart d’heure d’avance. A 16h23, on nous annonce 20 minutes de retard : c’est ballot, on aurait pu prendre notre temps. Le train est bondé, et un certain Daniel (HPI mal élevé d’une dizaine d’années) commence déjà à nous courir sur le haricot. A 16h43, le train ne part pas du tout.

Sur les panneaux de quai, sous la mention DEPART IMMINENT je vois un tout petit bandeau sournois qui défile en douce : « arbre tombé sur la voie à Groland-Montcuq, le trafic est interrompu jusqu’à 19h30″. Aucune annonce. Pas de contrôleur. Nous n’osons pas quitter le train ni sortir de la gare, au cas où le train repartirait. Nous passons TROIS HEURES comme des glands dans le train à attendre des infos.

Pauline demande à Daniel de s’asseoir une bonne fois pour toutes et de la boucler. Un mec en gilet orange apporte des bouteilles d’eau mais nous ne sommes pas de taille à lutter contre nos co-voyageurs, une émeute se forme pour la possession du plus grand nombre de bouteilles par personne. Daniel en chope 4 à lui tout seul.

le train pour Amiens

Le bandeau sournois indique que la voie est coupée jusqu’à 23h, désormais. Toujours aucune annonce officielle mais nos compagnons de train ont eu raison de notre patience, nous quittons la gare à 20h.

Pauline utilise ses derniers instants de batterie de téléphone pour télécharger blablacar et voir si, par miracle, un gentil conducteur n’aurait pas prévu de quitter Amiens pour rallier Paris ce soir.

Miracle ! Morgit, 50 ans, bonne tête, noté 5/5, part du centre ville dans 30 minutes et demande 35€ pour nous emmener. On valide et on se met en route vers le point de RV. Dix minutes plus tard, la course est annulée. Pauline contacte Morgit sur Whatsapp qui nous assure que cette annulation n’est pas de son fait. Il relance sa proposition, un nouveau lien de paiement est généré, on re-paie. Ouf ça marche, il nous reste 5% de batterie.

Dix minutes plus tard, la course est annulée. Nous rentrons dans le premier restaurant qui passe et demandons à brancher nos téléphones. Morgit a généré un nouveau lien de paiement à 35€ et nous dit de nous grouiller parce qu’il veut bientôt partir pour Paris.

Pauline (officiellement plus intelligente que nous, désormais) s’écrie « C’est une arnaque ! ce gros enfoiré accepte le trajet sur l’application et l’annule juste après. Ce fils de pute envoie son putain de numéro WhatsApp pour nous refiler un putain de bordel de lien de merde où on se fait débiter de 70 balles parce qu’on a appuyé deux fois comme des cons ! »

« Attends, attends », je lui dis, avec mon optimisme habituel. « On va lui demander sa carte d’identité, il y a sûrement un malentendu ». Pas de problème, Morgit nous envoie ça.

illustration carte d'identité volée

Jocelyne Courtin, tu t’es fait voler ta carte d’identité….

Voilà, on s’est fait brouter par un camerounais de 17 ans. Comme des bleus. On appelle la banque (bah vous avez validé les paiements) on appelle blablacar (bah y’a marqué partout de jamais sortir du site et de ne jamais discuter avec les conducteurs sur Whatsapp). Je me sens comme un boomer qui vient d’ouvrir le lien d’un mail pour recevoir un Iphone gratuit.

Nous profitons de cette pause pour commander des poke bowl qui grèvent le budget de la journée d’une soixantaine d’euros supplémentaires et nous tenons un conseil de guerre : dormir à Amiens, ça faich trop. Le prochain flixbus passe par Lille pour rentrer à Paris, 7 heures de trajet en tout, punaises de lit offertes. Pas le choix : on retourne sur blablacar. Nouveau miracle, Damien d’Amiens part pour Paris à 23h, 55€. C’est la seule offre. On accepte.

Entretemps, les zombies du train ont dû en avoir marre de poireauter car Damien d’Amiens nous envoie un message : « je ne sais pas ce qui se passe, suis submergé de demandes, est-ce que vous confirmez le trajet ? » houlà, oui, on confirme. « RV à 23h à l’hippodrome, à tout à l’heure »

A L’HIPPODROME. L’hippodrome n’est pas en tout à fait en centre ville. Mais on a largement le temps d’y aller parce qu’on a encore deux heures à tuer. Il pleut beaucoup, on a 20 bornes dans les pattes et il fait nuit mais go assister à la dernière course d’un quelconque Qatar-Prix-d’Amiens-Jumping-Whatever où une armée de vieilles personnes en doudounes sans manches se finit au Côte du Rhône en comparant les mérites de Chipolata-de-Picardie et Chicon-Pantoufle qui vient apparemment de faire une course superbe.

le turf ça donne soif

Damien d’Amiens, contacté à 23h pétantes, nous répond qu’il a « un dernier cheval à voir » avant de nous rejoindre. Je suis allergique aux chevaux. Si c’est un palefrenier qui a bouchonné des canassons pendant 2 heures, c’est mort, je ne peux pas entrer dans sa bagnole pleine de paille.

A 23h15, notre chauffeur arrive sur le parking de l’hippodrome. Damien est un vétérinaire parisien de 35 ans très chic, spécialisé dans la lutte anti-dopage des chevaux de course. Il conduit une Audi A5 et se contrecarre des limitations de vitesse.

1h30 plus tard, il nous a déposés place de la Nation.

Merci Damien.

Il suffisait de regarder France Info, en fait. On y pensera la prochaine fois.

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8 réflexions sur “Lost in Amiens

  1. Quelle journée éprouvante qui avait pourtant fort bien commencé. Les hortillonnages un jour d’automne ensoleillé c’est à ne pas manquer et à reprogrammer sans Amy si le cœur vous en dit !

  2. En somme, une journée presque ordinaire pour les Cons-Tribuables que nous sommes, trop occupés à naviguer entre les écueils des arnaqueurs sûrs de leur impunité qui poussent comme le chiendent — en espérant pouvoir garder sur nos comptes en banque de quoi payer les taxes qui vont bientôt tomber sur nous comme la vérole sur le bas-clergé (comme disait ma mère…). Une seule solution : « Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer » (comme disait Beaumarchais…) Quelques grammes d’humour, qui rime avec amour, c’est la seule façon de survivre ! C’est la voie que tu as choisie, ma chère Zoé, et je te remercie de nous égayer de ton allègre causticité !
    Une lueur d’espoir, toutefois : L’Emmanuel vient d’annoncer qu’il « prendrait ses responsabilités » ! Alleluia, nous sommes sauvés!

  3. Hellloooo
    La banlieue c pas rose
    La banlieue c morose
    Je suis toujours pas sur de déménager…
    Je pense au jour où vous y penserez a vous tordre de rire
    You are the Best

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